Détection de la résistance

Généralités sur les tests de résistance

Il existe trois grandes catégories de tests qui permettent de mettre en évidence des résistances aux PPP:

  • les tests biologiques mesurent la réaction de bio-agresseurs vivants en réponse à des PPP. Ils mettent en évidence la résistance quel(s) que soi(en)t le ou les mécanisme(s) sous-jacent(s). Ils ne nécessitent pas de connaitre la nature des mécanismes de résistance impliqués car ils mesurent un phénotype de résistance. Ce phénotype est la résultante de l’ensemble des mécanismes qui sont impliqués dans la résistance, que ceux-ci soient identifiés ou non, liés ou non à la cible, unique ou en combinaison ;
  • les tests biochimiques consistent à doser les activités enzymatiques des grandes familles d’enzymes impliquées dans la détoxication (RNLC). Contrairement aux tests biologiques, ils ne détectent pas toutes les résistances. Cependant, ces tests présentent l’avantage d’être réalisés sur des extraits protéiques qui sont plus facile à garder au laboratoire que des organismes vivants ;
  • les tests de biologie moléculaire reposent sur la détection des variations de séquence codante ou de l’expression de gènes impliqués dans les phénomènes de résistances. Ces tests permettent de travailler sur du matériel biologique même mort ou en mauvais état, et requièrent la plupart du temps très peu de matériel de départ. C’est également le type de test qui est le plus facilement automatisable et adaptable au très haut débit.
Tests biologiques : méthode des courbes doses-réponses

La méthode des courbes dose-réponse peut être utilisée en première approche pour mettre en évidence une nouvelle résistance, en particulier chez les champignons et les insectes. Cette méthode peut également être utilisée pour déterminer le niveau de résistance d’un individu, en particulier par l’estimation du facteur de résistance en comparant l’intensité de la résistance de l’individu évalué avec celle (ou la moyenne de celles) d’un (ou de plusieurs) individu(s) de référence).

La procédure consiste à exposer un échantillon à une gamme de concentration croissante en PPP et à évaluer un caractère. Un échantillon peut être constitué de clones, de lignées isogéniques, de descendances ou d’un mélange d’individus provenant d’une même population (généralement prélevés sur une parcelle donnée). Les caractères mesurés sont assez proches dans les trois groupes majeurs de bio-agresseurs. Pour les champignons, il s’agira de la croissance mycélienne, du taux de germination des spores ou d’une combinaison entre le taux de germination et la croissance du tube mycélien (figure 8a). Pour les insectes, il s’agit du taux de mortalité aux différentes doses d’exposition (figure 8a). Enfin pour les adventices, selon le mode d’application de l’herbicide, on mesurera la mortalité ou la croissance des plantes (voir figure 5a).

figure 8a : Quelques exemples de traits phénotypiques mesurés dans le cadre de tests biologiques de résistance au PPP. Pour les champignons, il s’agit souvent de mesurer le taux de sporulation ou la croissance mycélienne en présence ou en absence du PPP. Chez les insectes et les adventices, c’est le taux de mortalité qui est le plus souvent mesuré.

Ce type de méthode est actuellement le seul à permettre de mesurer le niveau de résistance d’un individu, que l’on connaisse tout, partie ou rien des mécanismes de résistance sous-jacents.

Tests biologiques : méthode de la dose discriminante

Ce type de test consiste à appliquer une dose de PPP permettant de différencier les individus résistants de ceux sensibles : on parle alors de la méthode des doses discriminantes. Il est souvent utilisé en première approche pour identifier une résistance aux herbicides chez les adventices. La dose discriminante peut être la dose maximale autorisée au champ (adventices). Une autre possibilité pour le choix de la dose discriminante est d’effectuer un test de dose-réponse, puis d’utiliser les résultats pour définir une dose discriminante. Une possibilité souvent retenue est de sélectionner une dose discriminante supérieure ou égale à la CMI des individus sensibles. Cette méthode permet de traiter un nombre plus importants d’échantillons que la méthode des courbes dose-réponse, puisqu’une seule dose est utilisée. Elle ne permet par contre pas d’évaluer le facteur de résistance car elle ne donne pas accès au niveau de résistance des individus testés.

Les tests biologiques mettent en évidence la résistance quel(s) que soi(en)t le ou les mécanisme(s) sous-jacent(s). Ils ne nécessitent pas de connaitre le type de résistance (RLC, RNLC, les deux) ou les gènes en cause car ils révèlent un phénotype de résistance. En revanche, la méthode doit être adaptée à la biologie du bio-agresseur et au mode d’action du PPP. En général, ces tests impliquent l’application d’une ou plusieurs dose(s) du PPP d’intérêt. Dans le cas de la méthode de la dose discriminante, cette dose doit auparavant avoir été validée par les expérimentations appropriées. Leur principale contrainte est la nécessité de travailler sur du matériel biologique vivant.

Tests biochimiques

Les tests biochimiques peuvent servir à mesurer :

  • la perte d’affinité d’une cible mutée pour un ou des PPP et
  • l’activité des enzymes responsables de la dégradation ou de la séquestration de PPP dans les bio-agresseurs. Ils sont donc souvent utilisés en première approche, pour tenter de caractériser des mécanismes en cause dans une résistance. Dans un second temps, lorsque le mécanisme est identifié, ce type de test peut être utilisé « en routine » pour détecter des résistances.

Les tests biochimiques ont l’avantage d’être plus facilement miniaturisables et automatisables que les tests biologiques. Ils peuvent, de plus, fournir une information semi-quantitative sur le niveau de résistance des individus à partir desquels les enzymes ont été extraits. Enfin, ces tests présentent l’avantage d’être réalisés sur des extraits protéiques qui sont plus facile à stocker et conserver au laboratoire que des organismes vivants. Cependant, un long travail de mise en place du mode opératoire et des équipements onéreux sont souvent nécessaires. Contrairement aux tests biologiques, les tests biochimiques ne détectent pas toutes les résistances. Ils ne révèlent en effet que l’activité enzymatique recherchée : des faux négatifs sont possibles. Enfin, ils requièrent généralement d’avoir accès à du matériel biologique vivant ou en très bon état pour en extraire les protéines d’intérêt.

Tests de biologie moléculaire

Cette troisième catégorie de test cible directement les mutations dans l’ADN (ou éventuellement la variation de la quantité d’ARN messager) et impose donc que ces modifications aient été identifiées au préalable. L’identification de ces modifications se fait impérativement à partir d’individus résistants caractérisés à l’aide de tests biologiques. Une grande variété de méthodes de biologie moléculaire est applicable à la détection des résistances. Elles peuvent être classées en deux grandes catégories :

  • les méthodes de détection par génotypage. Il s’agit d’identifier des allèles connus (c’est à dire de rechercher des mutations dont le rôle dans la résistance a été préalablement démontré). Les méthodes d’amplification de l’ADN (PCR, pour « Polymerase Chain Reaction ») souvent suivie de la digestion enzymatique de l’ADN amplifié au site de la mutation, le séquençage (à « bas-débit » de type Sanger) ou le génotypage par analyse de courbe de fusion sont des exemples de méthodes qui permettent d’identifier les variants d’intérêt.
  • les méthodes de quantification. Elles font généralement appel à la PCR quantitative et permettent la quantification d’allèles de résistance dans des populations, ou la quantification de l’expression de gènes de résistance dans des individus.

figure 8b : Un exemple de résultat d’un test de biologie moléculaire pour la détection d’allèle de résistance aux PPP. Il s’agit ici d’un génotypage par digestion enzymatique d’un fragment d’ADN amplifié par PCR. Cela permet d’identifier une mutation qui confère une résistance aux néonicotinoïdes chez le puceron vert du pêcher (Myzus persicae). Lorsque la mutation est présente, le fragment n’est pas digéré (colonne de gauche « RR »). Lorsque les deux copies du gène sont mutées, la totalité du fragment amplifié est digéré (colonne de droite « SS »). La présence des deux tailles de fragment traduit la présence des deux allèles au sein du même individu (on parle alors d’un hétérozygote, colonne du centre « RS »).

Ces tests permettent de travailler sur du matériel biologique même mort ou en mauvais état, et requièrent la plupart du temps très peu de matériel de départ. C’est également le type de test qui est le plus facilement automatisable et adaptable au très haut débit. En revanche, ils nécessitent la caractérisation préalable des mutations en cause dans la résistance, et ne détectent que ces mutations (et donc pas des mutations encore inconnues mais pouvant être en cause dans la résistance).

Tests récents et futurs

Les développements technologiques permettent une miniaturisation des tests plus poussée, une automatisation plus grande, et de ce fait une augmentation du nombre d’échantillons qu’il est possible d’analyser.

  • Dans le domaine des tests biologiques, voire des tests biochimiques, l’analyse d’image pourra probablement améliorer la fiabilité et l’automatisation de la notation des traits de vie des bio-agresseurs exposés aux PPP.
  • Dans le domaine de la biologie moléculaire, de nombreuses nouvelles méthodes adaptées au « haut–débit », voire au « très haut–débit » sont déjà disponibles. Les approches de génotypage de mutations par séquençage « haut-débit » sont particulièrement intéressantes, et ont commencé à être utilisées pour le diagnostic de RLC. Ces méthodes permettent non seulement de rechercher des mutations connues et d’estimer les fréquences des différents allèles dans des populations de bio-agresseurs, mais aussi potentiellement de détecter de nouveaux variants.